Umehara Hikaru || Cursed Child

Ils avaient fait une bêtise. Hikaru le savait. Les adultes, à commencer par son père, leur avaient maintes fois répété qu’il ne fallait pas s’attarder dans la rue quand il commençait à faire nuit. Il avait même entendu dire par un camarade de classe que des monstres rôdaient à la tombée du soleil. Ryôma n’y croyait pas vraiment. « Je te protègerais, Hikaru ! » lui avait-il promis, dans un rire espiègle, lui jetant ce même regard. Un regard qu’il détestait. Parce qu’il était encore petit, parce qu’il était faible, peureux, son ami jouait les grands seigneurs avec lui. Ryôma était son extrême opposé : vif, courageux et intrépide ; tout lui réussissait et il se sentait capable de tout. Comme faire le mur pour aller voir le festival du quartier, alors que leurs parents le leur avaient refusé. Et Ryôma qui pensait connaître le chemin les avait perdu. Hikaru l’appelait, demandait à faire demi-tour. Il ne l’écoutait pas. « Ryo-chan !... attends moi ... » Mais Ryôma ne l’attendait pas. Et alors qu’il s’arrêtait au milieu de l’allée, reprenant son souffle, un frisson lui parcourut le dos. En tournant la tête pour voir ce qu’il y avait derrière lui, il eut juste le temps de percevoir un regard sanglant. Et un hurlement.

Ils étaient tombés sur une goule. Affamée. Traquée. En un battement de cœur, Hikaru s’était effondré. Devant l’horreur, Ryôma avait hurlé si fort que les colombes la pourchassant les avaient retrouvé avant d’abattre la créature. On rapatria Hikaru d’urgence à l’hôpital ; la goule avait arraché une partie de sa jambe, fracturé une bonne partie de ses os.
L’un fut plongé dans l’horreur.
L’autre, dans le coma.



« C’est de ma faute ! C’est à cause de moi si... c’est moi qui... »
Ryôma pleurait. Ryôma qui n’avait jamais versé une seule larme pleurait. Il se tenait à son chevet, le visage blême, terrifié. En pleurs. Son ami, celui qui avait toujours était un modèle de force, admiré de tous, pleurait comme un bébé ; il avait tout perdu de son habituelle confiance en lui. Et à tort. Ce n’était pas de sa faute. Hikaru le savait. Mais ces mots, ces mots que Ryôma attendait, il ne les prononça pas.
Pourquoi devait-il être le seul brisé ?
Le visage entravé par une multitude de bandages, il trouva la force de sourire.
« Ne me laisse plus jamais derrière toi. Plus jamais. »

Hikaru avait rêvé de devenir un sportif ; il en avait le potentiel, les capacités. Il avait rêvé d’échapper à l’enfer familial, trop exigeant, trop riche, trop oppressant : à son père qui ne pensait qu’aux bénéfices, sa mère qu’à elle-même. Il en avait eu l’opportunité ; n’avait pas eu le temps de la saisir. En plein vol, on lui avait brisé les ailes. Coupé les jambes. Son existence, à douze ans à peine, fut ébranlée. Deux ans en fauteuil roulant, un an de rééducation intensive, deux ans pour parvenir à marcher à nouveau « correctement ». Sept ans de chirurgie régulière, répétitive. Sept ans de médicamentation perpétuelle. Un nombre qui s’allongerait en même temps que son existence. Un nombre aux lourdes séquelles, psychologiquement plus profondes qu’elles ne l’étaient physiquement.

Il avait finalement été happé par l’abyme duquel il avait toujours souhaité s’enfuir. Il était venu s’ajouter à l’immense « propriété des Umehara ». Un pantin de plus à la solde de son propre père, car incapable de trouver de place à « l’extérieur ». Car inadapté. Inadaptable. Défaillant et brisé.
Marqué à vif.

Mais dans cette chute, il n’était pas le seul.